L’avocat du diable : Affaire Mazan, une justice qui dépasse la morale.

Le 2 septembre 2024, le procès des viols de Mazan a débuté devant la cour criminelle du Vaucluse. Dominique Pelicot, 71 ans, est accusé d’avoir orchestré le viol de son épouse entre 2011 et 2020. Il la droguait aux anxiolytiques et livrait son corps inerte à plus de soixante hommes, rencontrés via le site Coco.fr.

©Christophe Simon/ AFP

L’affaire des viols de Mazan fait écho dans le monde entier. Toutes peuvent s’identifier à celle que l’on continue à appeler Madame Pelicot. Mazan démontre qu’aucune femme n’est à l’abri des violences sexuelles, même celles vivant dans un couple apparemment heureux depuis de longues années.

Stupéfaite, l’opinion publique a appris que le diable Pelicot avait un défenseur. Plus encore, que ce défenseur était une femme. Naturellement, les réactions pleuvent. La communauté féminine se divise : d’une part, celles qui ne conçoivent pas que cet homme puisse être défendu, encore moins par une consœur ; de l’autre, celles qui louent le professionnalisme et le niveau d’âme dont fait preuve Me Béatrice Zavarro.

Dès le début de ce procès, l’avocate aux lunettes rouges est devenue « l’avocate du diable ». « C’est vous et moi contre le monde entier », répète-t-elle à son client, toujours consciente de la solitude qui découle de son choix : celui de défendre l’indéfendable.

« Quand on prend un dossier, on n’est pas genré, on est avocat », déclare Me Zavarro, 55 ans. Elle est parvenue à rester professionnelle, séparant la femme de l’avocate. Pour les besoins de son métier, elle a dû se lier au diable, l’humaniser, tenter de lui éviter la peine maximale.

Avant elle, Me Breton, Me Dupont-Moretti, Me Badinter, Me Vergès s’étaient illustrés comme célèbres défenseurs des diables français. Avec ce procès, Me Zavarro rejoint leur rang.

Pour une majeure partie des non-initiés, la justice serait là pour réprimer le mal et juger la morale. Désillusion : la justice n’est pas toujours juste, et surtout pas morale.

Face au juge, devant les accusations portées contre son client, le rôle d’un avocat n’est pas de défendre ses valeurs ou sa morale. La femme Béatrice Zavarro n’approuve pas les actes de son client, mais l’avocate reste déterminée à lui assurer un procès équitable. Sa mission est de garantir l’application de la loi et de défendre les droits de son client, malgré ces actes infâmes.

Dans un contexte plus global, bien au-dessus des diables et de leurs actions, l’intervention de l’avocat est cruciale pour s’assurer que chaque personne, peu importe ses crimes, bénéficie d’un traitement équitable devant la justice. Ce droit fondamental évite que des décisions judiciaires soient influencées par l’opinion publique.

Au-delà de la sanction, un procès a aussi un objectif instructif. Il permet de comprendre les faits, les schémas du crime, et les circonstances entourant celui-ci. Sans le contradictoire, cette dimension essentielle serait perdue, privant la société des leçons nécessaires pour mieux prévenir ou répondre à de tels actes.

Le droit à un procès équitable ne devrait pas être perçu comme une faveur accordée aux criminels mais comme un moyen de préserver la justice, de bannir le verdict populaire.


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