« Quel échec admirable que de ne jamais essayer ». À travers cette réplique, Alexis Michalik donne le ton : son Edmond est une ode à l’audace créative. Depuis 2016, dans l’écrin du Théâtre du Palais Royal, les spectateurs embarquent dans une atmosphère parallèle où le burlesque côtoie l’émotion.
Fidèle à sa réputation, Alexis Michalik dépeint avec brio le Paris effervescent de 1897. Edmond Rostand, jeune auteur en quête de reconnaissance et hanté par le syndrome de la page blanche, se lance un défi insensé : écrire une comédie pour le grand Constant Coquelin. Malgré les critiques qui jugent les vers dépassés, il s’obstine à prouver leur modernité en vers et contre tout. Devant composer avec les caprices de l’actrice principale et les loufoqueries de ses producteurs corses, Edmond se met à écrire cette pièce en laquelle personne ne croit.
Le décor modulable accompagne ce tourbillon narratif, passant des rues de Montmartre aux salons huppés de la bourgeoisie parisienne, jusqu’aux répétitions agitées du fameux Cyrano de Bergerac.
Mais Edmond n’est pas qu’un spectacle visuel. C’est aussi une réflexion sur le processus de création, les doutes et les inspirations qui jalonnent le parcours des artistes. Cette pièce donne à réfléchir sur la notion si subjective qu’est le succès : comment l’on peut passer de l’ombre à la lumière ou bien de la lumière à l’ombre. Un auteur à succès n’est rien d’autre qu’un auteur ayant eu l’opportunité de dévoiler son talent, mais bien d’autres ne le peuvent. Alexis Michalik met en lumière ce qui nourrit l’imaginaire d’Edmond Rostand : la société qui l’entoure. Il construit habilement une légende autour de la naissance du chef-d’œuvre de Cyrano.
Si la pièce séduit par son humour, elle éblouit surtout par son rythme effréné. Le dynamisme des acteurs, certains incarnant plusieurs rôles, rend impossible tout ennui. Leur énergie est communicative, ils sont infatigables, tantôt drôles, tantôt émouvants mais toujours justes.
Edmond confirme ce que l’on pressentait déjà : Alexis Michalik est un magicien de la mise en scène, capable de faire revivre le passé avec une intensité proprement contemporaine.
Mathilde LEMAIRE
